400 miles de St Tropez : une édition haute en couleurs pour nos sportifs et deux marches de podium pour la Nautique!

400 miles de St Tropez : une édition haute en couleurs pour nos sportifs et deux marches de podium pour la Nautique!

400 MILLES DE ST TROPEZ : LAURENT CAMBRUBI ET PIERRE QUIROGA ARRIVENT 2è et 3è DE LA COURSE ! 

 Le retour de Pierre à la fin de cette incroyable épreuve…

 

– 2ème compétition de l’année
– 1 tour de Corse
– 2h34 de sommeil en 3 jours
– 0 à 35nds de vent 
– 15 solitaires
– 3ème à l’arrivée
– 2 heures de black out
– 2 leçons à retenir

 

Pierre nous raconte sa première participation aux 400 milles en solitaire…

“Que ce fut intense !!! Je pense que je vais beaucoup le repéter en cette première année de figaro mais ces marins ont une réelle capacité à se surpasser dans l’épuisement …

Après 24 heures d’un convoyage plutôt calme entre la baie d’Aigue Morte et St Tropez seulement quelques jours après la fin de la Figaro Golf nous avons profité des deux jours de jauge sécurité pour nous reposer au port. Au briefing de vendredi le parcours tombe, ce sera un tour de Corse par la côte Est dans des conditions plutôt clémentes, ça c’est pour la théroie … !

En pratique, départ samedi à midi dans un vent de secteur ouest quasi nul, on mettra du temps a s’extraire du golf de St Tropez. Dès la sortie, deux options se dessinent :
– au nord de la route, avec une perte importante en début de course puis un gain fort sur l’arrivée du Cap Corse
– au sud de la route, option que je choisis, un gain fort au début et une arrivée plus compliquée au prés dans du vent sur le cap corse

En cette première nuit dans des conditions très agréables je me défonce pour essayer d’appliquer ma stratégie, partir fort puis essayer de tenir ! Je navigue au devant de la flotte des solitaires et me bataille même avec des équipages et des bateaux de plus grandes tailles, une première satisfaction, comme prévu j’ai une bonne avance sur les bateaux qui sont au nord, je ne lâche rien, aucun mètre je reste toute la nuit sur le pont à régler les voiles, l’avance est confortable mais je me doute que les habitués des lieux vont revenir sur l’option nord en arrivant sur le cap Corse, au petit matin c’est la douche froide, ce que les Corses appellent la “braffe + TVA”, c’est un vent de nord-est (vent de 25nds) avec une accélération sur la pointe Corse ! La “TVA” fait monter le vent à 30-35nds), je me retrouve au prés et comprends très vite que je vais devoir tirer des bords pour passer la pointe … Les copains qui sont au nord arrivent pleine vitesse et n’auront pas de virements … Aie aïe aïe, ça va piquer à l’addition … ! 
Au passage du Cap Corse c’est plus de 8 milles de retard sur le premier figaro …

==> Leçon n°1 : en voile on n’invente rien, l’expérience fait souvent la différence, pour la prochaine fois je me contenterais d’un petit décalage et pas d’une option stratégique

Briefing météo du matin par VHF, le comité de course nous annonce une descente musclée et rapide avec un vent de 25-30 noeuds le long de la côte Est le tout sous spi, voilà une première occasion de revenir sur la concurrence, objectif de la journée ; on prend des risques et on met la gomme tant que le bateau le supporte, j’ai une journée pour faire baisser le nombre de milles jusqu’au cap Sud Corse, le bras de fer commence ! A ce jeu je suis satisfait de ma prestation, sous grand spi la majorité du temps je double Laurent.Camprubi au milieu de cette descente, je reviens à 2,3miles des deux bateaux leaders en bas ! Passage des Iles Lavezzi entre les cailloux puis rideau … Une grande barre blanche sans vent nous attend, le début de la seconde mi-temps du match qui s’annonce cette fois plus mentale que physique.

Ce stop permet aux 4 figaros de se regrouper à quelques mètres les uns des autres, on s’arrache toute la nuit pour essayer de gagner le moindre mêtre, cap après cap les classements évoluent, je me retrouve en tête au cap Muro, sauf que … sauf que ça fait déjà 35heures que je tire sur mon corps sans le moindre repos, j’attends la moindre occasion d’un vent stable pour aller dormir. Aux alentours de 4h10 je rentre dans le bateau me faire une boisson chaude afin de rester éveillé quelques minutes de plus, les voiles flappent, l’anémomètre affiche 0,7nds, c’est le calme plat … involontairement je vais m’écrouler et m’endormir dans le fond du bateau … Un sommeil qui va durer 2 heures environs, un black out total à 60 mètres des rochers, le pilote éteint, le bateau tournant dangereusement en rond…
Mike Cohen, marin d’expérience et excellent compétiteur, remarque bien que ce n’est pas une bulle de vent ou autre mais que j’ai un souci : il m’appelle alors sans relâche entre VHF, téléphone satellite et GSM … après 20 minutes de tentative il parvient à me réveiller, choqué, je reprends mes esprits, remet le bateau dans la bonne direction et essaie de comprendre ce qui vient de m’arriver … MERCI A MIKE, sans lui et avec les rochers à côté, les problèmes auraient pu être grave !

==> Leçon n°2 : gérer ses dépenses énergétiques, ne pas laisser le bateau sans pilote, faire preuve d’un sens marin et savoir oublier la compétition quand il s’agit de la sécurité des autres.
Il arrivera la même chose à Mike quelques heures plus tard sur la sortie de la Corse … personne pour le prévenir ou prendre de ses nouvelles !

Etre marin c’est un ensemble de choses qui font que la personne s’aura en permanence faire la part des choses entre compétition intense et sécurité des hommes. C’est vraiment la grande leçon de cette compétition. Nous faisons un sport individuel mais personne ne nous surveille, en cas de soucis nous sommes dépendant des “adversaires” qui nous entourent.

Sur le dernier bord entre la Corse et St Tropez nous prenons 30noeuds de Nord-Est, changements de voiles, prise de ris, à ce moment je suis 5 milles derrière les deux leaders qui se battent à quelques metres, je decide de tenter le tout pour le tout, je monte de quelques degrés au dessus de la route puis arrivée à mis chemin j’envois mon petit spi, il est 19h c’est ma troisième manoeuvre de voile en moins de 3 heures … ça fonce à 15noeuds, le bateau plane mais c’est chaud, je fais quelques départs au tas, le bateau reviens à chaque fois, je suis scotché à la barre et n’ai pas moyen de voir si je gagne ou perds de la distance … il faut rester hyper concentré pour ne pas perdre le spi et risquer de casser quelque chose, les muscles se crispent et la fatiguent pointe le bout de son nez … la même fatigue que celle vécu la veille au cap Muro, je décide alors d’affaler le spi , et de régler le bateau pour faire route direct vers l’arrivée, après une heure à la barre je commence à me sentir de plus en plus fatigué, des hallucinations apparaissent dans ma voile que je fixe en permanence, des visages, des bateaux … j’ai l’impression que d’autres bateaux m’entourent, je parle seul … bref en plein délire, flippant !
J’appelle Mike (bateau le plus proche de moi) à la VHF pour lui signaler que je pars en cacahouète, le branche le pilote auto et vais dormir, pas facile quand on est trempé que l’on tremble de froid et que le bateau tape dans les vagues, en manque de lucidité je ne me rends pas compte que le vent baisse, je reste sous 1 Ris et Solent, Mike 1mille derrière moi me rattrape petit à petit, la troisième place est en jeu mais mon corps me dit stop, je finirais la course à l’intérieur du bateau et vais perdre 2 milles sur Mike, mes mains me fond souffrir, je n’ai plus la force de tirer sur le moindre bout, à quelques milles de l’arrivée je renvoie malgré tout la GV pleine, les deux premiers bateaux viennent d’arriver, mon objectif et de réduire au maximum le temps qui me sépare de cette ligne.

A l’arrivée sur St Tropez Tintorelle skippé par Mike Cohen décide de faire l’impasse sur la ligne d’arrivée, une décision liée à l’esprit des autres concurrents en terme de sécurité pendant cette course … Pour ma part je coupe la ligne d’arrivée en 3ème position, autre que le classement c’est un sentiment d’être allé au bout de soit, d’être resté au contact des plus expérimenté de la flotte et ce malgrés mes problèmes, satisfait d’avoir bouclé ces 400 milles pour la première fois !!!!

–> Ce que je retiens de cette course c’est vraiment l’état d’esprit dans lequel doit être un marin au départ d’une telle course, nous évoluons dans un environnement qui peut être dangereux la fatigue est un élément qui amplifie cette insécurité, on ne s’en rend pas bien compte mais seul à bord après 48heures de vent fort même si le vent est très faible il est facile de glisser et tomber à l’eau …
Je remercie sincèrement le comportement marin de Mike Cohen qui a su mettre la compétition de côté pendant un temps pour s’assurer de la sécurité d’un concurrent (moi), j’ai beaucoup appris d’un point de vue technique sur ce tour de Corse mais l’état d’esprit à avoir quand on part en mer seul est vraiment l’aspect le plus marquant de cette compétition.

Je remercie également l’organisation, le club de St Tropez pour cette compétition que je recommande à tous !

Bravo à Laurent Camprubi, licencié à la Société Nautique de Marseille, pour cette belle victoire !”

 

PARTAGER