Récit de la grande course Marseille > La Seyne-sur-mer, du 22 au 23 août 2016.
“C’est la première fois dans ma vie de régatier que j’ai sérieusement pensé à abandonner…” Marc Deveze, skipper solo de Mô, honorable Aphrodite 101 semble épuisé devant le tableau des résultats. En réalité il est songeur : “Tu te rends compte que je suis resté 4h bloqué au Cap Sicié sans bouger, et que malgré tout, je ne suis pas dernier de la flotte ?”.
Il est 11h30 et tous les bateaux viennent enfin de s’amarrer le long du quai du port de la Seyne-sur-Mer, après presque 24h de course depuis Marseille, en passant par Porquerolles. Les navigateurs errent sur le quai et discutent en petits groupes à voix basse, insensibles au soleil écrasant, cheveux ébouriffés et sourire rêveur flottant sous les lunettes de soleil. Les non-initiés pourraient les croire sortis d’un long sommeil, ou d’une nuit de fête. Mais à bien tendre l’oreille, on comprend que la fameuse étape de nuit a tenu ses promesses.”J’ai tout donné : j’ai changé au moins une dizaine de fois de voiles, les mains encore crispées tellement j’ai tenu l’écoute de spi pendant des heures, sans une seule minute de sommeil. En fait ce genre d’étapes, c’est un vrai sprint.” souffle Christophe Barrué, à bord du SunFast 3600 Euro-voiles.
Partis la veille à 11h, les 41 bateaux en course ont rapidement hissé les spis, direction Porquerolles, en passant par les balises cardinales “Les Magnons”, au large de Toulon. Certes le vent est faible, mais il laisse la part belle à la tactique et l’observation du plan d’eau. L’anémomètre fait des pointes à 6 noeuds, et aidé par le thermique du soir, la journée passe plutôt vite. Mais au passage du Cap Sicié, alors que les deux-tiers de la flotte sont passés, le vent tombe presque tout à fait, et le courant se fait sentir : “Quand on a vu aux instruments qu’on faisait du sur-place, on s’est dit que ça allait devenir très compliqué.” Jacques Silve et Jean-Luc Neri, le duo de Liberté, lourd Elan 40, bataillent une heure, puis jettent l’éponge et abandonnent la manche. Deux autres bateaux suivront le mouvement, Loen Gouez et Fantasme.
Dans le paquet de tête, la compétition est acharnée… mais au ralenti. Autour de Porquerolles, c’est l’heure des coups de poker : “Il y a ceux qui ont été proches de la côte, et ceux qui s’en sont franchement éloignés. C’était un vrai jeu du chat et de la souris, en même temps qu’un jeu de patience. On ne connaît pas suffisamment le plan d’eau, alors on a pris une option… qui nous a plantés ! Mais on a mis des heures à s’en rendre compte”, Arnaud Vuillemin, le barreur du duo corse Jubilations est déçu. Mais il garde le moral et rappelle “On participe à la Quadrasolo pour jauger notre préparation en vue de la Transquadra. On constate qu’on a des progrès à faire en tactique, mais la vitesse est là. Et puis demain, on repart sur des bananes, on va pouvoir se refaire !”
A 4h42, le premier à franchir la ligne est Guy Claeys, qui n’a rien lâché à bord d’Expresso 2, son tout nouveau JPK 1010, et caracole ainsi en tête du classement général. Tout sourire, il plaisante : “Au départ de la course je vous avais conseillé de ne pas venir me parler si je n’étais pas devant. Bon, maintenant j’espère que ma bonne humeur est durable, alors n’hésitez pas !”
Elle semble communicative cette bonne humeur : pour Ludovic et Yves Gérard, le duo père-fils de Solenn, autre JPK 1080 presque flambant neuf, la voile est une histoire de famille. “Je prépare la Transquadra et quand mon équipier n’a pas pu se rendre disponible pour la Quadrasolo, j’ai tout de suite pensé à mon père, qui me coachait quand j’étais gamin. Il a sauté dans un avion et est venu avant tout pour cette grande étape, et l’ambiance qui y règne. On ne marque pas notre plus beau score (10ème place sur la course, ndlr), mais on ne s’est pas engueulés. En tout cas pas encore !” rit-il.
Avant de sombrer dans une sieste réparatrice, Eric Gilbert, fier copropriétaire avec Walden Bonpaix de Flash, SunFast 3200 acquis l’hiver dernier (“Merci papa Noël !”), mesure sa chance : “C’est notre première participation à la Quadrasolo, et franchement, on est ravis. On était attirés par la promesse d’étape magnifiques, comme on n’en a pas chez nous, à Port-Camargue. Côté programme, on est gâtés, l’étape de nuit c’est vraiment la cerise sur le gâteau. Et côté ambiance, c’est une excellente surprise ! Avant de venir, on avait regardé la liste des inscrits et leur palmarès, et on appréhendait de se sentir touts petits entre les multiples vainqueurs de la régate, et la fine fleur du championnat IRC.
Et puis, on découvre qu’il y a une vraie convivialité et que les conseils se glanent facilement, on passe de bateau en bateau… Je crois bien que c’est une spécificité des courses en solo ou duo !”
L’après-midi s’étire et les pontons sont déserts : “dormir quand on peut“, une règle d’or de la navigation en solitaire que ces marins n’oublient pas… avant de se retrouver pour l’autre grand classique de la voile : l’apéro, organisé par la Société nautique des Mouissèques.
Voir les résultats : cliquez sur l’onglet “résultats” de la page de la Quadrasolo 2016
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